« Devant moi, des crocodiles et des hippopotames »
Hallucinations. La nuit tombée, avec les efforts accumulés, les sportifs de l’extrême sont parfois victimes d’hallucinations plus mystérieuses les unes que les autres. Des coureurs manchois racontent leurs souvenirs.
Hallucinant. Vouloir aller au bout de soi, jusqu’aux extrémités de ce que le sport propose, de ce que son corps autorise, est à la mode. Renvoyée chez les Grecs la distance autrefois mythique du marathon. On s’adonne à des courses de 24 heures, avec des championnats du monde comme ceux que vient de disputer Stéphane Ruel, sous le maillot de l’équipe de France, à Turin. 250,006 km parcourus. On va beaucoup plus loin encore avec les ultra-trails. À vélo aussi, on peut délirer avec les distances.
« J’ai crié pour qu’ils s’écartent »
« En 2011, il était 23 h, je roulais, j’étais seul sur la route, je voyais passer des gens. C’était sur Paris-Brest-Paris. 45 heures que je n’avais pas dormi , raconte l’athlète de La Vendelée, qui fut coureur cycliste.J’ai crié pendant deux ou trois minutes pour qu’ils s’écartent, j’allais tomber. C’était des arbustes au bord de la route qui bougeaient ! » Deuxième situation hallucinante,« en 2013 lors du 2e Raid de l’Archange » . 276 km en courant cette fois, entre Le Mont Saint-Michel et Beaumont-Hague.« 35e heure de course sans dormir, je vois des moutons voler ! C’était sympa… Au bout de deux ou trois minutes, je me suis dit que ce n’était pas normal. » Pas normal. Mais fréquent en cas de surmenage, de manque de sommeil, voire de déshydratation grave, de manque d’oxygène en altitude, où« la perception sensorielle, sans présence d’un stimulus détectable, voit des objets physiquement absents » , analysent des médecins. Pas besoin d’être Don Quichote de la Mancha attaquant les moulins à vent. Ex-sprinter de l’AS Cherbourg, 11’’3 en cadet il y a tout juste 20 ans, Nicolas Béranger est passé des plus courtes distances de la piste aux courses de longue haleine.
La nuit, tout est permis
Ultra-trail du Mont-Blanc 2014. 168 km, 9 600 m de dénivelé. Départ à l’approche de la nuit. À 2 h du matin de la 2e nuit,« les coureurs devant moi s’envolaient. C’était rigolo. Tu as beau savoir que ce n’est pas vrai, tu détournes le regard mais ça revient. Juste avant le lever du soleil j’ai vu des gens déguisés en sapins et des enfants autour, qui volaient. Dès que le jour se lève, c’est terminé » . Coureur au long cours, Loïc Chausse, de Saint-Joseph, sur la Petite Trotte à Léon, qui n’a de petite que le nom avec ses 300 km et 26 000 m de dénivelé positif, n’a« pas dormi pendant trois nuits » . La troisième, ivre de fatigue, il a« vu des pierres et des arbres des bas-côtés » devenir« des masques africains » , se transformant ensuite« en visages de proches » . À chacun ses têtes. Ses équipiers voyaient d’autres figures aimées. Plus loin,« dans la vallée » , ce sont« des crocodiles et des hippopotames » qui se trouvaient sur leur chemin. Et même« des yetis un peu agressifs » sortis des histoires de Tintin.« Heureusement, on était trois. Seul, ça peut tourner à la panique. On vit rarement ça, c’est étrange. Comme dans des films psychédéliques. » Fatigue après plusieurs heures d’efforts, manque de sommeil et nuit. Les trois choses se retrouvent. Même si les marins du Vendée Globe qui ne pédalent ni ne courent peuvent aussi être victimes d’hallucinations dangereuses les amenant à se croire arrivés et à vouloir quitter leur pont de bateau quand ils sont en pleine mer.« Quand tu es allé trop loin dans ta dette de sommeil » , a constaté Michel Desjoyeaux.
Article issu de l'édition de Saint-Lô Coutances Cherbourg du mercredi 6 mai 2015
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Hallucinations. La nuit tombée, avec les efforts accumulés, les sportifs de l’extrême sont parfois victimes d’hallucinations plus mystérieuses les unes que les autres. Des coureurs manchois racontent leurs souvenirs.
Hallucinant. Vouloir aller au bout de soi, jusqu’aux extrémités de ce que le sport propose, de ce que son corps autorise, est à la mode. Renvoyée chez les Grecs la distance autrefois mythique du marathon. On s’adonne à des courses de 24 heures, avec des championnats du monde comme ceux que vient de disputer Stéphane Ruel, sous le maillot de l’équipe de France, à Turin. 250,006 km parcourus. On va beaucoup plus loin encore avec les ultra-trails. À vélo aussi, on peut délirer avec les distances.
« J’ai crié pour qu’ils s’écartent »
« En 2011, il était 23 h, je roulais, j’étais seul sur la route, je voyais passer des gens. C’était sur Paris-Brest-Paris. 45 heures que je n’avais pas dormi , raconte l’athlète de La Vendelée, qui fut coureur cycliste.J’ai crié pendant deux ou trois minutes pour qu’ils s’écartent, j’allais tomber. C’était des arbustes au bord de la route qui bougeaient ! » Deuxième situation hallucinante,« en 2013 lors du 2e Raid de l’Archange » . 276 km en courant cette fois, entre Le Mont Saint-Michel et Beaumont-Hague.« 35e heure de course sans dormir, je vois des moutons voler ! C’était sympa… Au bout de deux ou trois minutes, je me suis dit que ce n’était pas normal. » Pas normal. Mais fréquent en cas de surmenage, de manque de sommeil, voire de déshydratation grave, de manque d’oxygène en altitude, où« la perception sensorielle, sans présence d’un stimulus détectable, voit des objets physiquement absents » , analysent des médecins. Pas besoin d’être Don Quichote de la Mancha attaquant les moulins à vent. Ex-sprinter de l’AS Cherbourg, 11’’3 en cadet il y a tout juste 20 ans, Nicolas Béranger est passé des plus courtes distances de la piste aux courses de longue haleine.
La nuit, tout est permis
Ultra-trail du Mont-Blanc 2014. 168 km, 9 600 m de dénivelé. Départ à l’approche de la nuit. À 2 h du matin de la 2e nuit,« les coureurs devant moi s’envolaient. C’était rigolo. Tu as beau savoir que ce n’est pas vrai, tu détournes le regard mais ça revient. Juste avant le lever du soleil j’ai vu des gens déguisés en sapins et des enfants autour, qui volaient. Dès que le jour se lève, c’est terminé » . Coureur au long cours, Loïc Chausse, de Saint-Joseph, sur la Petite Trotte à Léon, qui n’a de petite que le nom avec ses 300 km et 26 000 m de dénivelé positif, n’a« pas dormi pendant trois nuits » . La troisième, ivre de fatigue, il a« vu des pierres et des arbres des bas-côtés » devenir« des masques africains » , se transformant ensuite« en visages de proches » . À chacun ses têtes. Ses équipiers voyaient d’autres figures aimées. Plus loin,« dans la vallée » , ce sont« des crocodiles et des hippopotames » qui se trouvaient sur leur chemin. Et même« des yetis un peu agressifs » sortis des histoires de Tintin.« Heureusement, on était trois. Seul, ça peut tourner à la panique. On vit rarement ça, c’est étrange. Comme dans des films psychédéliques. » Fatigue après plusieurs heures d’efforts, manque de sommeil et nuit. Les trois choses se retrouvent. Même si les marins du Vendée Globe qui ne pédalent ni ne courent peuvent aussi être victimes d’hallucinations dangereuses les amenant à se croire arrivés et à vouloir quitter leur pont de bateau quand ils sont en pleine mer.« Quand tu es allé trop loin dans ta dette de sommeil » , a constaté Michel Desjoyeaux.
Article issu de l'édition de Saint-Lô Coutances Cherbourg du mercredi 6 mai 2015
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Au passage, merci à Laurent LHERMITTE pour l'article et à son fiston Christophe pour m'avoir gentiment "dénoncé"!
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